• Cher Monsieur Guitry,,

    Même à la lecture des journaux, je ne parviens pas encore à vraiment croire que vous êtes mort depuis un demi siècle.

    Vos adieux à la critique ayant précisé que toute information leur serait vendue.
    Donnez nous alors l'état de vos comptes et que ces informations non payées fussent elles tromperie de votre part car vous qui rêviez d'être populaire, il a fallu que l'annonce soit faite de votre trépas pour que l'on vous admire...

    Et aujourd'hui l'histoire se charge de vous être fidèle vous qui l'avez si souvent trompée, vos accusateurs n'ont plus d'argument que de vous accuser d'avoir feint de mourir pour entendre du bien...

    Ils sont passés à la trappe comme de mauvais fruits auquel le talent n'aurait pas tout donné de sa sève... vous qui si souvent vous êtes moqué des cocus, voici que vous êtes l'amant du talent qu'ils n'ont pas su garder, et là encore l'histoire, toujours elle, les salit de leurs seules accusations et médisances à votre égard...

    C'est là certes un mariage réussi, parvenir à être infidèle de son vivant et susciter la vénération de son trépas. Si l'histoire était une femme, elle serait une sainte.

    Quoiqu'il en soit, Monsieur Guitry, à regarder le théâtre et à écouter notre époque, il ne fait aucun doute: vous êtes bien mort, car si vous ne le fûtes, vous eûtes vite fait de sortir et de crier avec rage cette décadence de ce qu'est le comédien, relégué au titre d'intermittent.

    Je n'ai pas le talent de jouer, peut être celui d'écrire, quoique là aussi la critique, elle soit restée fidèle à elle même, arrogante, imbue et incontrôlable et je ne peux donc que m'instruire de ce que vous avez laissé, et tirer des enseignements d'un homme qui se voulait populaire quand il ne l'était pas et qui devient un mythe quand il ne peut plus s'en satisfaire.

    Vous êtes donc bien mort, Monsieur Guitry, alors quoique j'en dise et en écrive, je ne vous écrirai pas, car on ne parle pas aux morts...

    A bientôt


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  • Ô mon amour- Mon espérance-
    Ma fièvre lourde- Ma démence-
    Jusqu'au fond des jardins de France
    Il sent ton souffle l'embaumer.
    Tu es le dieu que l'on abjure
    La joie du bourreau qui torture
    Le son d'une voix au murmure
    A tes yeux sur moi déposés

    Est-ce ainsi que l'on doit aimer ?

    Perdre la foi à ton visage
    On n'y lit même pas ton âge
    C'est pour toi qu'il écrit ces pages
    Qui, tour à tour seront brûlées
    Comme un sentiment qu'on délaisse
    Comme un parfum que le vent blesse
    Chaque nuit est une détresse
    Chaque matin te rencontrer

    Est-ce ainsi que l'on doit aimer ?

    Il sait les traits de la mémoire
    Du passé- De tes désespoirs-
    Du champ de blé au champ de foire
    Mais qu'as-tu fais de ces années
    Tu as hissé aux souveraines
    Sur des plateaux d'argent- Tes peines-
    Sais-tu que la vie se promène
    A quoi bon vouloir la presser ?

    Est-ce ainsi que l'on doit aimer ?

    Etre sourd- Entendre ta voix-
    Comme un dieu auquel nul ne croit
    Mon âme est un souffle de froid
    Par tes yeux toujours réchauffé
    La terre est humide en automne
    Au loin la cloche que l'on sonne
    Pour des enfants qui se prénomment
    Des mots d'amour toujours hurlés

    Est-ce ainsi que l'on doit aimer ?
    Ô mon bois de bruyère et d'ombres
    Tous mes songes y poussent en nombre
    Tends une main pour qu'il ne sombre
    A toujours de te regarder
    A l'enfant dont on dit qu'il vit
    Entre nos cœurs et nos envies
    Rien n'est jamais vraiment fini
    Tout est toujours à espérer

    Est-ce ainsi que l'on doit aimer ?

    Mon ivresse- Mon insolence-
    A qui aucun instant ne pense
    T'appartenir en innocence
    Te posséder en liberté
    Comme un défunt dur qui l'on veille
    A qui l'on promet des merveilles
    Dans tes bras il se sent pareil
    A celui qui vient te chercher

    Est-ce ainsi que l'on doit aimer ?
    Ô mon amour- Ma renaissance-
    Ma lente mort- Ma délivrance-
    ma voix condamnée au silence
    Toujours savoir te consoler
    Il a connu tant de richesses
    Dans l'illusion trouvé l'ivresse
    Sans se douter que sa jeunesse
    En toi demeurait enfermée

    Est-ce ainsi que l'on doit aimer ?

    Ô mon jardin- Mon amulette-
    Ma douce femme- Ma fillette-
    Veux-tu devenir au poète
    La muse qu'il a tant cherchée ?
    Il veut t'aimer comme un parfum
    Etre l'instant de ton destin
    Voudrais-tu lui donner ta main
    Le posséder- Lui ressembler ?

    Est-ce ainsi que l'on doit aimer ?
    C'est ainsi que je vais t'aimer...


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  • extrait de l'ouvrage

    Le Cri d'un siècle, 4 poèmes destinés à la censure idéologique.

    Parti d'un pari entre poètes (est-il possible que la littérature classique dans sa forme soie engagée dans son sujet), ce recueil de quatre poèmes reflète une poésie à la fois engagée et puriste qui donne à son auteur un véritable sens de l'engagement.

    Publié par l'ARTMADA en 2000, il a remporté le Prix du Printemps des Poètes en 2000, à la fois le Prix du public, mais aussi celui du Jury après une exposition avec le peintre José Dubois sur le poème illustré.


    La bonne affaire que la mort
    à l'instant où l'on quitte un corps
    C'est toi qui me trahis encore
    toi qui jadis me fit t'aimer
    Aux instants où l'on se souvient
    du premier amour d'un parfum
    Toi qui alors tendis ta main
    vers le poète que j'étais

    Te souviens tu des cris de guerre
    et des chants révolutionnaires
    Il me semble que c'est hier
    que tu vins te battre pour moi
    Donner le goût de liberté
    au corps qui ne sait que vibrer
    Le regard toujours effrayé,
    les yeux remplis de désarroi.

    Faut il qu'on oublie qui nous sommes
    pour le salut de millions d'hommes
    Une page d'histoire en somme
    dont nous ne faisons plus partie
    C'est la jeunesse qui se lève
    portant en elle la relève
    Il semble que des voix s'élèvent
    dans les campagnes de Russie

    Tout est affaire de pays
    de langue ou d'idéologie
    Toi qui toi même te trahis,
    connais tu les cris défendus
    Qui ont versé jusqu'à leur sang
    dans la liste des combattants
    Je me souviens encore enfant
    de ceux qu'on ne rencontrait plus

    Je te nommerai camarade
    jusqu'à la fin de la parade
    Même si tu étais bâtarde
    entre le mauvais et le bon
    Je tourne une page d'histoire
    que mes enfants ne puissent voir
    Ce que peut commettre un hasard
    dans le chemin des convictions

    La bonne affaire que la mort,
    ne plus pouvoir serrer ton corps
    Mourir en connaissant ses torts,
    en sachant qui nous a trahi
    Je vois dans ton regard hagard
    les longues pages d'une histoire
    D'un livre nommé livre noir
    où les mots ne sont que des cris

    Le Caucase est un paradis
    et l'enfer toute une Russie
    C'est toi qui me regarde assis
    réécrivant les yeux d'Elsa
    Tu penses que la vie me gagne,
    que ma nostalgie est au bagne
    Mon amour un mât de cocagne,
    sais tu que je n'aime que moi ?

    Tu brandis fièrement la faux,
    c'est le sang qui teint ton drapeau
    Je viendrai prendre le marteau,
    briser les maillons de la foi
    Tu crois encore en des idées,
    tu penses encore à tout changer
    Mais te sens tu abandonnée,
    même Marx n'y croirait pas.

    Tout est une affaire de temps,
    le passé déborde au présent
    Et même quand j‘aurai cent ans
    je saurai que tu m'as trahi
    Je t'écrirai dans mon histoire
    comme un récit de cauchemar
    Je dicterai le livre noir
    aux générations éblouies

    J'ai posé sur toi mes espoirs
    comme l'on s'amuse à la foire
    J'ai fais de toi mon écritoire,
    j'ai fais de toi toute ma vie
    Combattre, abattre la torture,
    défendre la nomenclature
    Ecrire ton nom sur tous les murs
    au sang précieux de la patrie

    La bonne affaire que la mort,
    une fois te serrer encore
    Des préjugés, être plus fort,
    oublier que tu m'as trahi
    J'entends encore dans mon enfance,
    la chanson de mes espérances
    Face auxquelles tu fais silence,
    est- ce ainsi le chant de Russie ?

    C'était Le chant de Russie
    Août 2000

    Paru dans le journal L'Humanité, 1er prix de poésie du journal l'Humanité,

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